Croiser la route d’un pervers narcissique fait d’importants dégâts. Comment fonctionnent-ils ? Quelles sont les caractéristiques qui permettent de les reconnaître ?
Petit rappel sur les pervers narcissiques
Le psychiatre et psychanalyste Paul-Claude Racamier est le premier à avoir théorisé la perversion narcissique, définie comme une sur valorisation de soi-même aux dépens d’autrui. Voici ce qu’il écrivait dans son livre Le génie des origines : « Le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée de se défendre de toute douleur et contradiction internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui ».
Qui sont les pervers narcissiques ?
Les pervers narcissiques ont une image dévalorisante d’eux-mêmes. Mais au lieu de travailler sur cette faible estime d’eux-mêmes, ils ont trouvé un autre moyen. Ils se valorisent en rabaissant les autres. Ils ont besoin de se sentir importants, admirés, au centre de l’attention. Ils n’hésitent pas, pour satisfaire leurs besoins, à utiliser et manipuler leurs victimes. Ces dernières sont prises au piège et se retrouvent prisonnières de leur bourreau. Les pervers narcissiques sont le plus souvent des hommes, mais les femmes sont concernées, elles aussi. Parmi leurs victimes, il y a une écrasante majorité de femmes. Ce sont elles qui viennent dans nos cabinets de psychothérapie. Car évidemment, les pervers narcissiques ne consultent pas.
Comment agissent les pervers narcissiques ?
Les pervers narcissiques ne ressentent aucune culpabilité lorsqu’ils blessent les autres. Ils sont incapables d’empathie et utilisent les autres comme des objets sur lesquels ils expulsent tout ce qui les encombre. Ils tissent leur toile de manière machiavélique, agissent par intimidation, dévalorisent leurs victimes, les envahissent, les culpabilisent. Les victimes des pervers narcissiques n’imaginent pas une seconde ce qui les attendent. Elles ignorent la plupart du temps l’existence de ce trouble et sont incapables de concevoir qu’un être humain puisse fonctionner de la sorte. Leur point commun est souvent une faible estime d’elles-mêmes ou une tendance à la dépendance affective.
La belle histoire du début
Au début, les pervers narcissiques se montrent sous leur meilleur jour. Galants, drôles, prévenants, attentionnés, la phase de séduction leur permet de ferrer leur proie et d’installer l’emprise. Loin d’imaginer ce qui se trame, les victimes des pervers narcissiques sont aux anges, reçoivent de l’amour, se sentent en confiance et en redemandent. Une fois le besoin créé, les pervers narcissiques assoient leur pouvoir pour que leurs victimes soient à leur merci. Comme nous l'explique la psychiatre et psychothérapeute Marie-Françoise Hirigoyen, "La séduction perverse se fait en utilisant les instincts protecteurs de l'autre. Cette séduction est narcissique : il s'agit de chercher dans l'autre l'unique objet de sa fascination, à savoir l'image aimable de soi. Par une séduction à sens unique, le pervers narcissique cherche à fasciner sans se laisser prendre".
L'emprise installée par les pervers narcissiques
La relation de dépendance installée, ils utilisent tous les moyens en leur possession, argent, travail, enfants etc. Leur but est d’installer l’emprise en colonisant tous les aspects de la vie de leur victimes, qui n’ont plus aucune autonomie. Généralement, ces victimes possèdent des atouts. Elles ont une belle carrière, des diplômes valorisants, un physique, des aptitudes, quelque chose dont le pervers narcissique est dépourvu. Cela attise son envie et lui permet d’utiliser ces atouts comme faire-valoir. Les victimes des pervers narcissiques sont souvent sensibles et empathiques. Elles doutent d’elles-mêmes, et traversent souvent lors de leur rencontre avec eux, une période de vulnérabilité qui les exposent d’autant plus à la manipulation.
Plongée en enfer
L’emprise s’installe très rapidement. Après la lune de miel du début, le pervers narcissique montre son vrai visage. Il contrôle tout, s’arrange pour que sa victime soit entièrement dépendante de lui. Il tient les cordons de la bourse, fait en sorte que leur victime travaille moins, la saborde en lui répétant qu’elle est nulle, incapable de se débrouiller seule. Les victimes de pervers narcissique vivent dans un climat de dénigrement permanent, rien de ce qu’elles sont ou font ne trouve grâce aux yeux de leur bourreau. Elles perdent toute capacité de discernement, se sentent nulles, incompétentes, minables, bonnes à rien. Il faut comprendre que l’emprise mise en place par le pervers narcissique est une entreprise de démolition totale. Il pénètre dans l’intimité de sa victime, colonise tout, ne laisse rien intact. Sa victime n’a plus aucun répit, aucun espace intérieur dans lequel il ne s’infiltre pas. Elles perd donc tout contact avec elle-même et se sent incapable de vivre sans lui.
L'illusion
Beaucoup de victimes de pervers narcissiques sont persuadées qu’ils vont changer. Elles souffrent mais pensent que leur conjoint souffre aussi, et qu’en continuant à les aimer, ils finiront par comprendre. C’est une erreur majeure. Un pervers narcissique ne change pas. Comme le précise la psychiatre et psychothérapeute Marie-Françoise Hirigoyen, "un individu pervers est constamment pervers . Il est fixé dans ce mode de relation à l'autre et ne se remet en question à aucun moment". le pervers narcissique présente une totale intolérance à la frustration qui le conduit à expulser sur sa victime tout ce qui est désagréable pour lui. Rien de dérangeant n’entre en lui car il ne le supporte pas. C’est un être faible. Les pervers narcissiques ne viennent jamais en thérapie, à moins d’une injonction de soin par la justice. Lorsqu’ils viennent de leur plein gré dans nos cabinets, ils viennent en couple ou dans des séances familiales. C’est encore un moyen pour eux de garder le contrôle. D’exercer sur leurs victimes un chantage en leur montrant qu’ils font un effort pour elles.
Partir et ne jamais revenir
La seule issue pour les victimes est de partir. Toutes les tentatives pour sauver leur couple se soldent par un échec. C’est une perte de temps. C’est très difficile car elles sont persuadés d’être inaptes, incapables de s’en sortir seules. En thérapie, nous revenons sur leur histoire personnelle, les blessures qui ont rendu possible cette relation. Nous décortiquons les mécanismes utilisés par le pervers pour les asservir. Nous auscultons ensemble la relation. Nous identifions leurs peurs et leurs angoisses pour qu’elles apprennent à les dépasser. Elles constatent au fil du travail qu’elles sont tout à fait capables de se débrouiller seule et qu'elles se sentent faibles parce que le pervers narcissique les vide de leur énergie. Une fois sortie de cet enfer, les victimes parlent d’une renaissance. Elle reviennent à la vie.