La psychogénéalogie
La psychogénéalogie, créée par Anne Ancelin Schützenberger, explore la façon dont nous sommes affectés, à notre insu, par les drames vécus par nos ancêtres. Le poids des secrets et des non-dits constitue des souffrances invisibles qui peuvent peser sur toute une lignée. Les évènements douloureux s’enchaînent alors à répétition, jusqu’à ce que l’un des membres de la lignée mette un terme à ces répétitions en sortant de la souffrance.
"La souffrance vient de ce que l'on n'a pas pu montrer ses sentiments, ni en parler, ni le hurler, ni en pleurer, ni le partager, et qu'on a tout enduré en silence. Cette souffrance prend sa source dans le secret, tel un "cadavre dans le placard", voire un fantôme qui crie vengeance ou demande à être reconnu et pleuré.", expliquait Anne Ancelin Schützenberger.
Les neurones miroirs
La découverte des neurones miroirs en 1996, a éclairé d’un jour nouveau les mécanismes à l’oeuvre dans ces transmission silencieuses. Les neurones miroirs sont également appelés « neurones de l’empathie ». Ces neurones s’activent de deux façons : lorsque nous agissons, mais également, lorsque nous voyons quelqu’un d’autre faire une action similaire. Comment cela est-il possible ? Lorsque nous regardons quelqu’un effectuer une action, le simple fait de l’observer active dans notre cerveau les mêmes zones que celles qui s’activent dans son cerveau. Le même processus est à l’oeuvre avec les émotions, peur, angoisse, colère etc. Tout fonctionne comme si nos cerveaux se connectaient les uns aux autres, favorisant une sorte de contagion émotionnelle.
Espace vital
En grandissant, l’enfant apprend les limites de son propre corps, et crée peu à peu son espace vital. Cet espace l’aide à se construire, formant comme une peau qui lui permet d’être au contact des autres. Il peut alors ressentir ses propres émotions et celles de son entourage, tout en faisant de plus en plus la différence entre elles. La conscience qu’il acquiert de lui-même et de son propre espace lui permet de comprendre et d’intégrer qu’il n’est pas lui même en train de vivre ce qu’il perçoit. Lorsqu’ils grandissent auprès de parents qui ont vécus des traumatismes, les capteurs émotionnels et sensoriels des enfants sont saturés. Ils captent tout ce que vivent leurs parents, intonations, mouvements et expressions corporels, atmosphères etc. Ils en sont alors chargés, comme des éponges. Et ils absorbent aussi les non-dits, les secrets de famille, tout ce qui pèse en silence mais parle sans mot.
L'épigénétique
Les généticiens pensent que les traumatismes subis par nos ancêtres s’inscrivent au cœur de notre génome. C’est le champ d’étude de l’épigénétique, une discipline scientifique qui étudie la nature des mécanismes modifiant l’expression des gènes. Des chercheurs de l’hôpital Mont-Sinaï de New York ont démontré en 2015 que des descendants de victimes de l’Holocauste présentaient une méthylation de l’ADN au même endroit que chez leurs ancêtres, sur un gène particulier, en charge de la réponse au stress. Les traumatismes psychiques laissent des marques épigénétiques sur le génome des cellules de notre cerveau qui vont influencer la façon dont celles-ci fonctionneront, et donc nos comportements. Il s’agit en quelque sorte de « cicatrices épigénétiques » que peuvent nous transmettre nos parents ou grand-parents.
Le pouvoir de l'amour
Mais comment guérir les blessures de nos ancêtres logées malgré nous dans notre ADN ? Bonne nouvelle, il semblerait que ces états soient réversibles ! Car si ces traumatismes laissent au coeur de notre génome des cicatrices épigénétiques, un environnement bénéfique peut les guérir. Entreprendre une thérapie peut aider à se libérer de ses blessures. Mais ce n’est pas tout, bien sûr. Des scientifiques ont confié des souriceaux de femelles indifférentes à des mamans souris attentives et inversement, et ont étudié les génomes de souris échangées à la naissance. Leur constat est sans appel : une fois adultes, les souris qui avaient reçu de l’attention présentaient un faible taux de méthylation de l’ADN des cellules liées à la gestion du stress. Ce n’était pas le cas de celles élevées par la mère d’adoption indifférente. L’amour reçu soignerait donc notre être tout entier. Il agirait au cœur même de notre génome, pour le nettoyer des blessures du passé. Le pouvoir de l’amour semble illimité. Et nous ne sommes sans doute qu’au début de découvertes majeures, qui pourraient bien révolutionner notre manière d’être en lien les uns avec les autres.