Nous adoptons tous des stratégies qui ont pour but de nous éviter de souffrir. Mais quand l'addiction s'installe, difficile de rompre le cercle vicieux.
Anesthésie
Comment sortir de l'addiction ? Pris dans le mouvement de la vie, on encaisse les coups et on avance. Mais lorsque les coups, les traumatismes ou les propos douloureux sont trop vifs, on a besoin d’un soutien pour poursuivre notre route. Dans un monde idéal, il n’y aurait pas de coups, mais surtout, on croiserait sur notre route les bonnes personnes ou les bonnes structures, pour nous éviter la dérive. Dans notre monde, seuls les plus chanceux font de telles rencontres au bon moment. Pour les autres, il faut continuer à avancer, coûte que coûte, et pour continuer à avancer malgré des plaies ouvertes, il faut trouver un moyen de les anesthésier.
Une fonction d'apaisement
Pour poursuivre sa route en ayant très mal, il faut trouver quelque chose de fort, qui masque la douleur. C’est là que commence le processus de l’addiction. La personne qui souffre va faire l’expérience de ce qui l’apaise, sans forcément le comprendre. Elle va boire, prendre de la drogue, faire des crises de boulimie etc. Le but est toujours de ne plus ressentir. Pourquoi ? Parce que le ressenti est insupportable.
Fracture ouverte de l'âme
Pour mieux vous expliquer les choses, je vais prendre l'exemple d'une douleur physique : Imaginez que vous ayez une fracture ouverte à la cheville, que votre tibia est sorti de votre peau. La souffrance est abominable. Là, vous avez deux solutions : soit vous êtes pris en charge par les pompiers et opéré en urgence, soit vous devez trouver un moyen de ne plus avoir mal et prendre une substance qui vous anesthésie. Dans le premier cas, vous êtes entourée et vous faites de la rééducation, dans le deuxième cas, vous êtes seul. Les blessures psychiques sont tout aussi graves que les blessures physiques, parfois même plus, car elles ne se voient pas. Il y a des fractures ouvertes de l’âme qui font tellement souffrir qu’il faut tout faire, je dis bien TOUT FAIRE, pour ne pas les ressentir.
Pris au piège
Quand une personne qui souffre trouve par le biais d’une substance un moyen d’apaiser sa souffrance, elle l’utilise aussi souvent que possible. Le problème, c’est que cet apaisement est un leurre. Il vient anesthésier la souffrance momentanément, mais il faut des doses de plus en plus importantes pour que cette anesthésie fonctionne. C’est l’engrenage de l’accoutumance. La personne se retrouve avec une dépendance physique qui la pousse à augmenter les prises, tout en ayant de plus en plus mal à l’intérieur. Pourquoi ? Parce que sa blessure initiale, celle qui l’a poussé à prendre cette substance, n’a pas été soignée et qu’elle s’infecte, au risque de provoquer une septicémie de l’âme.
Se libérer
Pour sortir de cette mécanique implacable, il faut casser l’engrenage de l’accoutumance physique, mais surtout identifier les blessures qui sont à l’origine du besoin d’anesthésie. Il convient de s’en approcher très doucement, de leur donner la parole, de les nettoyer, de les désinfecter, de les enduire de crème cicatrisante, pour qu’elles cessent peu à peu de hurler silencieusement dans une solitude abyssale.