On peut légitimement se demander pourquoi parler à quelqu’un qu’on ne connaît pas va nous aider à vivre mieux. Et c’est une bonne question ! Voici quelques éléments de réponse.
Je suis venu te dire…
Quelque soit les faits qui poussent quelqu’un à consulter, le but d’une thérapie est toujours de vivre mieux. On a parfois tout essayé, et la souffrance n’est plus tenable. Le docteur en psychologie Carl Rogers, fondateur de l’Approche Centrée sur la Personne que je pratique au cabinet, parle de la thérapie dans son livre Le développement de la personne comme de la possibilité pour le client « d’apprendre le langage des sentiments et des émotions, un peu comme un enfant qui apprend à parler. » Et il ajoute que le client "se trouve souvent obligé de désapprendre un langage faux avant d’apprendre le vrai. » Désapprendre ce que nous croyons de nous, pour entendre une autre voix, en nous. Et c’est le regard positif que le thérapeute porte sur nous qui nous permet de nous voir autrement.
Miroir, mon beau miroir
Une patiente m’a demandé un jour lors de notre première séance en quoi le fait de me parler serait différent du dialogue qu’elle avait depuis des années avec le miroir de sa chambre. Cette question m’a touchée, d’abord parce que je me suis sentie proche de sa solitude à cet instant. Mais aussi parce que la différence est fondamentale ! En me parlant à moi, elle évoquait ses souffrances devant un témoin. Témoin qu’elle cherchait d’ailleurs par elle-même en se parlant face à un miroir. Sauf qu’elle était témoin d’elle-même. Or, dans le cadre thérapeutique, quelqu’un d’autre qu’elle devenait témoin de son histoire, de sa souffrance. Cette différence est fondamentale.
Les trois attitudes du thérapeute
Carl Rogers a défini trois attitudes fondamentales pour le thérapeute :
- La congruence ou l’authenticité du thérapeute. Il s’agit sa capacité à être conscient et en contact avec ce qu’il ressent en écoutant son patient. La complexité de ses sentiments, ses pensées, ses émotions, tout ce qui circule en lui pendant l’écoute.
- La considération positive inconditionnelle : il s’agit de l’acceptation totale et inconditionnelle de son patient tel qu’il est dans le présent. cette acceptation ne dépend en aucune façon de critères moraux, religieux, éthiques ou sociaux.
- La compréhension empathique permet au thérapeute de pénétrer dans le monde de son patient. Il tente de percevoir le monde sans se laisser submerger par celui-ci. Il en accepte les perceptions et les contradictions, en faisant abstraction de ses préjugés.
Ces trois attitudes sont un préalable au travail thérapeutique. c’est en se sentant accueilli, compris, écouté, que le patient peut être en confiance. Faire une thérapie permet d’éprouver cette confiance et cette ouverture, qui donnent un autre regard sur soi.
Un passé qui ne passe pas
La crainte de retourner dans son passé et de « mariner » dans ses souffrances empêche souvent de demander de l’aide. On peut penser que « tout cela s’est passé il y a très longtemps », « qu’on ne voit pas le rapport avec aujourd’hui », « que de toutes façons, ça ne sert à rien de remuer tout ça ». mais les choses ne sont pas aussi simples ! Un évènement dramatique, qui nous a impacté ne s’annule pas simplement parce que le temps passe. En fonction de l’intensité de cet impact sur nos vies, il se peut qu’une part de nous soit restée bloquée dans ce passé, pendant qu’une autre part a continué sa vie et a même réussi dans certains domaines. Cette partie bloquée s’exprime souvent par de la tristesse, une dépression, de l’angoisse etc. Au cours de la thérapie, cette partie, comme les autres, a enfin la parole. Elle aura donc, peu à peu, moins besoin de s’exprimer en douleur, car elle aura été accueilli et pourra prendre sa place.
La séparation des temps
Le passé évoqué en thérapie, n’a pas pour objectif de faire une marinade d’angoisse. Il est évoqué pour identifier les souffrances vécues, aider les parties qui ont souffert à s’apaiser, à grandir, et à nous rejoindre dans le présent. Un peu comme un hélitreuillage en hélicoptère pour porter secours à un blessé. C’est un mouvement qui va pas du présent vers le passé pour y rester, mais pour que le passé soit vraiment passé et que nous puissions enfin vivre au présent.
La peur de souffrir
Lorsqu’on évoque en thérapie des souffrances passées, on peut avoir l’impression que ça fait trop mal et qu’il vaut mieux continuer comme avant. Reparler d’un évènement que nous avons « oublié » le réactive en nous remettant à son contact. C’est un processus qui permet de s’en libérer. Rester comme « avant » signifie vivre sur un champs de mine, car une blessure qui n’est pas soignée peut s’infecter à tout moment. Un évènement en apparence anodin peut soudain réactiver une souffrance et vous mettre par terre. C’est le sujet que j’aborde dans mon dernier roman « Écoute la petite musique du Clos des Anges », puisque Raphaëlle, mon héroïne qui a coupé les liens avec son père, voient ses blessures d'enfance ressurgir quand il décède. Elle va donc être contrainte de les soigner, ce qu’elle n’avait pas eu la possibilité de faire jusqu’alors. Pourquoi faire une thérapie ? Pour vivre enfin sa propre vie, se connaître, croître, accepter ses différentes parties, soigner ses blessures, être en paix avec soi-même, tisser avec les autres des liens durables et sains…